16.11.10

Les mains de mon père

Exercice des contraintes avec 3 phrases imposées
Tiré du Writer’s Toolbox, de Jamie Callan
3 bâtonnets, sur lesquels est écrite une phrase, sont pigés pour stimuler l’écriture.

1er bâtonnet : Elle était là, au bord de la piscine, Amy Gerstein, embrassant mon père.
On démarre le récit et on écrit pendant 6-7 minutes.

On pige le 2ème bâtonnet : Il patinait sur une glace mince, c’est tout ce que je peux dire.
On poursuit le récit en y incluant cette phrase (6-7 minutes)

On pige le 3ème bâtonnet : Il savait écrire de la main droite et de la main gauche.
On conclue le récit en y incluant cette phrase (6-7 minutes)



Elle était là, au bord de la piscine, Amy Gerstein, embrassant mon père.  Mon instinct ne m’avait pas menti.  Toutes ces années où je m’étais demandé si cette femme était digne de confiance, où la balance penchait plus du côté du doute, ont atterri en moi en faisant bang! dans mon ventre.  J’avais toujours senti que dans ma mécanique interne, un outil faisait défaut, que quelque chose clochait, qu’en quelque part dans le système, un des éléments n’était pas à sa place et faussait tout.

Mon père lui caressait le cou tendrement pendant ce baiser.  Il avait l’air doux et amoureux, je dois l’admettre. Mais toute cette lenteur s’est évaporée d’un seul coup lorsqu’il m’aperçut.  Comme un enfant surpris à voler, il a sursauté, sa main s’est retirée du cou d’Amy Gerstein et son visage a reculé subitement, comme si le baiser l’avait brûlé. 

Je suis alors sortie de ma cachette.  Et il était figé.  Et il a ensuite bougé comme s’il était engourdi.  Il patinait sur une glace très mince, c’est tout ce que je peux dire.  Il a alors baissé la tête, refermé son peignoir et, appuyant ses coudes sur ses genoux, a posé ses mains sur son visage pour le cacher.  Encore là, comme un petit enfant qui s’imagine qu’en cachant ses yeux, il disparaîtra.  C’est probablement ce qu’il souhaitait d’ailleurs.  Disparaître de ce lieu, de ce moment, refuser de croire que ce qui se passe est bien réel.

Amy Gerstein s’est retournée vers moi, l’air surpris et m’a fait un petit sourire qui en disait long sur sa gêne.  Et moi, j’étais debout comme une statue, ma Barbie à la main et je les dévisageais.  Mon père a ensuite relevé la tête et m’a regardée.  Sa main gauche s’est alors tendue vers moi, me faisant signe de m’approcher et de sa main droite, il a touché le cou de son amante.   

Et j’ai pensé comme il était épatant que mon père puisse faire ça.   

Comme il était incroyable qu’il sache écrire de la main droite et de la main gauche, mon papa ambidextre pouvait à la fois communiquer son amour et son désir de ses deux mains.